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Crues du fleuve Sénégal à Diamel (Matam) : Enjeux, impacts et solutions prioritaires (Par Yaya Diaw)

Rédigé par leral.net le Mercredi 8 Octobre 2025 à 23:41 | | 0 commentaire(s)|

Crues du fleuve Sénégal à Diamel (Matam) : enjeux, impacts et solutions prioritaires (Par Yaya DIAW)

Diamel est un quartier périphérique situé dans la commune de Matam, au Nord-est du Sénégal. Il se trouve en bordure de la rive gauche du fleuve Sénégal, dans une zone particulièrement exposée aux risques d'inondations. Cette situation fait que les habitants vivent une angoisse permanente avec le débordement du fleuve, comme ce fut le cas d’ailleurs lors des fortes crues d’octobre 2024. 

 

Sur le plan administratif, Diamel constitue l’un des deux quartiers périphériques rattachés à la commune de Matam, avec Nawel au sud et Diamel au nord. Il est principalement habité par des populations Haal Pulaar. Leurs principales activités économiques sont l’agriculture, le maraîchage, l’élevage, la pêche et le commerce. Diamel est ceinturé par le fleuve Sénégal, qui ne laisse qu’un seul point de passage : le bras du fleuve appelé « Maayo Balel ». 

 

Cette année encore, Diamel est en train de revivre la même situation. Depuis que l’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS), a publié un communiqué en date du 13 septembre 2025, indiquant une vigilance orange face à cette situation hydrologique très préoccupante dans la vallée du fleuve Sénégal, d’importants lâchers d’eau ont occasionné de fortes crues. Aujourd’hui, les eaux du fleuve et de ses défluents ont entièrement submergé le quartier malgré les efforts des habitants pour contenir la montée des eaux avec des sacs de terre. La crue, plus intense que les précédentes années, a causé des dégâts considérables : habitations, routes, poste de santé, écoles, marché, ruelles, commerces et ateliers, tous sont inondés.

Les habitants sont fortement impactés et désemparés, avec des enfants empêchés d’aller à l’école et un accès aux soins rendu presque impossible. Le quartier est quasiment inaccessible, obligeant les déplacements en charrettes ou pirogues. Des appels à l’aide via les réseaux sociaux dénoncent l’absence de dispositifs sanitaires et de secours. En plus des dégâts matériels, la situation risque d’entraîner une perte des cultures et des vivres, plongeant les familles dans une situation de grande précarité et sans revenus. Des efforts locaux sont mobilisés pour protéger certaines habitations en creusant des trous pour détourner les eaux, mais la crue de ces derniers jours, a largement dépassé les dispositifs mis en place par les habitants, rappelant les crues exceptionnelles de 1999 et de 2024, avec un niveau du barrage de Manantali atteint à des niveaux critiques. 

 

Aujourd’hui, cette presqu’île est encore et toujours sous la menace d’une disparition si des actions urgentes ne sont pas déclenchées. Le résumé du Bulletin hydrologique du Bassin du fleuve en date du 1er octobre 2025 souligne que le niveau d’eau remonte fortement à Manantali, Kidira et Matam et les côtes d’alerte restent largement dépassées (DGPRE). Á Diamel, certaines familles sont déjà relogées au niveau de l’Ecole élémentaire 1 Yaya Abdoulaye DIAW, du Collège Elhadji Thierno Amadou NIANG et une partie de l’Ecole élémentaire 2, tandis que le poste de santé est entièrement encerclé par les crues. 

 

C’est dans cette logique que nous tentons, à travers cette réflexion, de proposer quatre (04) mesures structurelles et durables afin d’éviter un désastre irréparable. Ces mesures, classées par ordre de priorité, sont les suivantes :

 

1. La réhabilitation de la digue de protection de Diamel : une urgence sécuritaire 

 

La lutte contre les inondations demeure une priorité pour préserver la vie, les biens et les activités économiques des habitants. La piste reliant le quartier à la commune de Matam, notamment dans le cadre du projet routier Daande Maayo Nord, est souvent impraticable en saison des pluies, rendant difficile l'accès aux marchés, aux soins et aux autres services essentiels. 

 

L'économie locale dépend majoritairement des petites exploitations agricoles, des activités pastorales, de la pêche et du commerce. Dès-lors, le développement de Diamel est freiné par des défis structurels liés à l'insuffisance des infrastructures, le risque d'inondations et le faible accès aux services de base.

 

Pour rappel, la digue de protection de Diamel a été réalisée initialement en 1975 pour protéger le quartier contre les inondations liées aux crues périodiques du fleuve Sénégal. Malheureusement, à cause du manque d’entretien de cet ouvrage, de la survenue des années de sécheresse consécutives, la digue a finalement subi des dégradations énormes. C’est la raison pour laquelle, en 2003, une nouvelle digue, d’une longueur d’environ 1 200 mètres a été réalisée avec des travaux complémentaires pour la régulation des eaux. Cet ouvrage a été financé principalement par la Banque africaine de Développement (BAD) et l'Agence française de Développement (AFD), avec le concours d’autres bailleurs de fonds dans le cadre du programme global de gestion hydraulique du bassin du fleuve Sénégal.

 

Aujourd’hui, avec le retour des crues, la réhabilitation de cette digue est plus que jamais urgente. La réhabilitation de cet ouvrage reste une des solutions les plus efficaces et les plus efficientes pour protéger les habitants et leurs biens, mais aussi sauvegarder leurs activités à revenus économiques. En outre, la digue pourra atténuer les risques d’inondation des habitations, particulièrement celles construites en banco. De plus, elle sauvegardera les périmètres agricoles (surtout les zones rizicoles). La digue pourrait même largement contribuer à la protection des infrastructures locales telles que la route, le pont et les installations électriques, seuls remparts contre l’isolement temporaire des populations. Une digue réhabilitée évitera également les déplacements et recasements forcés.

 
Article n°54639
Le marché de Djamel sous les eaux (photo prise le 8 octobre 2025)
 

Au plan sanitaire, la digue pourra atténuer l’accumulation des eaux stagnantes favorables à la prolifération de moustiques en augmentant le risque de maladies comme le paludisme. Cet ouvrage facilitera aussi l’accès aux soins de santé et réduira en même temps les risques pour les personnes vulnérables (personnes âgées, enfants, femmes enceintes et personnes à  mobilité réduite). Enfin au plan psychologique, la réhabilitation de la digue participera à dissiper l’angoisse, le stress et les traumatismes liés aux déplacements forcés et aux pertes matérielles.

Néanmoins, les populations ont mobilisé des efforts communautaires à travers une chaîne de solidarité villageoise (mise à terre de sacs de sable pour construire des digues de fortune, relogement provisoire des familles impactées dans les écoles, etc.) 

 

2. La reconstruction du pont de Diamel : une solution pour le désenclavement du quartier

 

Le pont de Diamel a été construit en 2004 dans le cadre d’un programme de développement visant à améliorer l’accès aux services et aux marchés pour les populations. Cet ouvrage important constitue le seul cordon ombilical qui relie le quartier de Diamel à sa capitale régionale, Matam. Depuis quelques années, il est dans un état de délabrement avancé, ce qui provoque l'exaspération des populations qui ne cessent de réclamer sa réhabilitation urgente. Il nécessite des travaux importants (surtout son agrandissement en deux voies et sa solidité) pour garantir la sécurité et la continuité de la liaison.

 

La construction du pont de Diamel répondait à la volonté de désenclaver le quartier et en même temps, faciliter sa communication avec son chef-lieu de commune. Le poids des années et l’absence d’entretien régulier ont fragilisé la structure, obligeant les autorités à limiter la circulation, notamment en interdisant le passage aux bus et aux gros porteurs pour des raisons de sécurité. Seuls les véhicules légers, motos et charrettes sont autorisés à l'emprunter pour éviter un effondrement. Madame la préfet de Matam avait signé un arrêté (dans ce sens l’année dernière (octobre 2024)). L'état actuel du pont de Diamel est très critique, avec un risque imminent d'affaissement. 

 

Cette fermeture provisoire impacte lourdement la mobilité et l'économie locale, notamment en isolant plusieurs villages et en compliquant le transport des marchandises et les évacuations sanitaires. Des travaux de réhabilitation et la construction d'un nouveau pont sont prévus, mais la lenteur des interventions reste une source d'inquiétude majeure pour les populations. Les habitants de Diamel expriment depuis plusieurs années leur frustration face au manque célérité quant à la réhabilitation du pont en organisant plusieurs manifestations pour exiger la reprise urgente des travaux. Lors des dernières fortes crues, le pont a été submergé, isolant temporairement les populations et les obligeant à faire des détours longs et coûteux. Les promesses pour une reconstruction ont été maintes fois répétées par les autorités municipales et régionales, mais en vain.

 

3. L’achèvement des travaux de la route du Daande Maayo Nord : une solution pour désenclaver Diamel et son hinterland

 

Situé à un point stratégique, Diamel est la porte d’entrée pour plusieurs localités du Daande Maayo Nord. En période d’hivernage surtout, la piste latérite qui traverse le village devient un raccourci indispensable pour rejoindre les autres localités du Daande Maayo Nord. Cette route, très stratégique passe par Diamel. Il s'agit des villages de : Tiguéré Ciré, Tiguéré Yéné, Anda, Thiofol, Nima, koundel Worgo, Woudourou, Sadel, Bowel, Nguidjilone, Somana, Aly Woury, Kédélé, Dondou, Diowol Worgo, Diamel Gawdal, Gawdal, Mow, Guiraye, Gaol, Sylla, Diongto, Dial Peulh, Dial Soubalbé, Gourel Oumar Ly, Gababé, Sylla Worgo, Sinthiou Boumack, Ndiaffane Sorokoum, Ndiaffane Belly, Thindy, Thiasky, Diowguel, Diorbiwol Pêcheur, Poste et Félou. 

 

L’Etat du Sénégal dans le cadre du projet Millennium Challenge Account Sénégal II (MCA- Sénégal II) avait lancé les travaux de construction de la route du Daande Maayo Nord ainsi que  sept (07) ponts dont celui de Diamel pour desservir les villages riverains du fleuve jusqu’au village de Félou (limite nord de la région de Matam). Prévu sur un linéaire de 106 km, ce projet de désenclavement, tant souhaité par les diamélois, comprend le bitumage de la route et la construction de plusieurs ponts pour faciliter la mobilité et les échanges commerciaux dans la région. Les travaux ont été lancés officiellement par l’ancien Président de la République, Macky Sall en juin 2021 dans le cadre du Programme de désenclavement des zones de production agricoles et minières.

 

La construction de la route du Daande Maayo Nord a une portée majeure pour la région de Matam en général et particulièrement le village de Diamel, tant sur le plan économique que social. Cette route, qui longe le fleuve Sénégal, est conçue comme une voie-digue pour protéger les localités contre les inondations. Elle est aussi qualifiée de "voie obligée du développement" car elle vise à désenclaver une zone jusqu'ici isolée, facilitant ainsi l'accès aux soins de santé, à l'éducation, à la formation, et au marché pour les produits agricoles. Ce désenclavement est crucial pour permettre une meilleure circulation des personnes et des biens, stimulant le commerce et les activités économiques dans cette vallée du Daande Maayo. Dans ce cadre, Diamel reste un trait-d’union incontournable.

 

Les bénéfices économiques locaux attendus de la construction de la route du Daande Maayo Nord sont nombreux et significatifs. Ce projet vise à stimuler le développement économique à travers l'amélioration de la connectivité et la réduction du désenclavement, ce qui facilite l'accès aux marchés, aux soins de santé, à l'éducation et aux opportunités d'emploi pour les populations locales. De plus, cette route joue un rôle clé dans la protection des terres agricoles grâce à sa fonction de digue contre les inondations, ce qui sécurise les récoltes, limite les pertes économiques liées aux crues, et encourage les investissements agricoles. 

 

4. La revitalisation des vallées fossiles du Sénégal, une solution écologique durable de portée économique et sociale

 

Initialement le projet avait été envisagé dans les « années 90 », mais abandonné pour des raisons politiques, notamment des oppositions entre pays riverains. Aujourd’hui, sa réactivation s’impose comme une solution durable face aux crues récurrentes et aux effets des changements climatiques.

 

La revitalisation des vallées fossiles du Sénégal demeure une solution intéressante pour lutter contre les crues du fleuve Sénégal. Il s’agira à travers cet ambitieux projet, de réalimenter les vallées sèches, en prélevant une partie des excédents d'eau du fleuve pour l'irrigation et l'élevage. Cela permettra de drainer efficacement ces excédents d’eau vers le Ferlo. Le programme consistera à utiliser les vallées fossiles comme des réservoirs ou zones tampons naturels capables d'absorber et retenir l'excès d'eau pendant la saison des pluies. Cette gestion plus équilibrée des flux hydriques pourrait réduire la pression sur le cours principal du fleuve, limitant ainsi les débordements et inondations dans les zones habitées. L’utilisation de ces eaux pour le développement agricole et l'élevage garantit en outre la sécurité alimentaire. La revitalisation des vallées fossiles joue un rôle stratégique pour la prévention et la gestion des crues du fleuve Sénégal en agissant comme système naturel de régulation hydraulique. 

 

Pour finir, nous lançons un cri du cœur aux autorités administratives locales et centrales, à toutes les personnes de bonne volonté, pour venir en aide aux populations de Diamel, durement frappées par les crues répétées du fleuve Sénégal. En effet ces inondations détruisent leur cadre de vie, ravagent leurs cultures, menacent leur sécurité alimentaire et compromettent leur santé. Dès-lors, il est urgent d’agir pour protéger les personnes vulnérables (enfants, femmes enceintes, personnes âgées et personnes à mobilité réduite). Aujourd’hui, des interventions rapides, efficaces et durables sont plus que nécessaires. 

 
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Certes des actions ont été déclenchées mais, elles restent insuffisantes. Avec la rentrée des classes prévues ce 08 octobre, les familles sinistrées vivent l’angoisse d’être un jour obligées de quitter les établissements scolaires. La longue stagnation des eaux risque de développer des maladies telles que le paludisme, les diarrhées, entre autres. Aussi, l’avancée des crues menacent fortement les périmètres agricoles, qui du reste sont les seules sources de revenus pour les habitants de Diamel. 

 

La prise en charge urgente et efficace des préoccupations des populations est plus que nécessaire. Le renforcement des infrastructures de protection contre les inondations, telles que la réhabilitation de la digue de protection, la reconstruction du pont, le raccordement de Diamel à sa capitale régionale et la revitalisation des vallées fossiles sont les seules mesures efficaces et durables pour soulager les habitants. Ces derniers ont également besoin de soutiens matériels pour contenir les eaux et trouver de nouveaux sites de recasement en attendant le retrait des eaux. Face à cette situation difficile, il s’agira de protéger non seulement des vies, mais également le tissu social et économique de Diamel. Il est temps d’agir, sans délai ni hésitation, en faveur des victimes des crues du fleuve Sénégal à Diamel.

Yaya DIAW

Ressortissant de Diamel (quartier périphérique nord de Matam), Sénégal.

 

 




Source : https://www.impact.sn/Crues-du-fleuve-Senegal-a-Di...